un souvenir d'enfance

Sigmund Freud 1921 - Photo Mary Evans
L’histoire est bien connue dans la famille.
Nous sommes tous les trois dans la maison de Toulon au milieu des années 50. Sur le tapis du salon, je joue avec des clous. Loin au-dessus de moi Papa et Maman discutent. Grandes personnes assises dans leurs immenses fauteuils. La maison neuve est moderne au point qu’une prise est encastrée dans le sol du séjour. Pratique pour l’aspirateur.

Il y a des petits clous, et deux grands clous. Il y a aussi le clapet rigolo. Cli-clac, clic-clac… Mon esprit curieux s’interroge : ce clou entrera-t-il dans les trous ?
Dans les fauteuils, d’un coup il y a comme un silence.
Papa :
- C’est rien ; le tapis est isolant, et ce n’est que du 110 volts, il va apprendre…
- Tu es sûr ?
- On est là ; c’est sans danger je te dis.
Ce texte montre que c’était sans danger. En revanche, cette première dose semble m’avoir rendu gravement accro à l’électricité.
Le Grand Léjon. La pleine mer atteint la première bande blanche
Au même âge, mon attirance vers la lumière est probablement due à un phénomène semblable. En Bretagne, chez Papi et Mamie, ma chambre donne sur le large. En plus des étoiles, quand le temps est clair on voit les éclats lointains des phares de la baie de Paimpol.
Ancien pilote du Hâvre, mon grand-père m’apprend à compter les secondes entre les éclats. Le rythme des phares nomme les dangers qu’ils signalent. Perchés sur ces méchants cailloux, les feux ont transformé les tueurs en précieux repères pour les marins.
l’ancienne lanterne du phare des Héaux de Bréhat
Ensuite…
Je suis un ado rachitique, assez chiant, et réglementairement désespéré.
Le hasard m’a voulu avec une moitié de tête d’artiste, et une autre moitié assez scientifique. Pour cimenter le tout j’ai eu la chance d’hériter d’une dose bien utile de cette inconscience qu’on appelle l’optimisme.
Ainsi équipé, j’avais tout ce qu’il fallait pour me lancer dans l’aventure que je vous remercie de parcourir en ma compagnie.
