le hasard me fait signe
mon premier trimestre de jeune professeur d’Arts-Plastiques au collège de Marignane sera le dernier
Fin décembre on me demande de dessiner le futur boîtier d’un futur ordinateur. Je découvre Paris et le monde des informaticiens dans une si authentique “start-up” que le mot n’existe pas encore. Le club d’informatique Microtel s’est transformé en Société Anonyme soutenue par les télécoms qui entrainent avec eux d’autres actionnaires de poids.
Changement radical : mes collègues profs quittent le bahut pile à l’heure. Au contraire les geeks, célibataires pour la plupart, restent tard le soir. Pire : ils passent au bureau le dimanche car “ils ont une idée”. Je le sais : avant la fin du deuxième mois j’y suis aussi le week-end.
Les années 80 vont vite et bien. Les plus âgés d’entre nous ont 35 ans et tout nous semble possible. C’est aussi l’avis des actionnaires de SMT-Goupil qui passent le soir dans les bureaux pour nous encourager. Comme eux, l’artiste toujours présent en moi est sûr qu’il y a des choses à faire de ces machines.
Venant du monde de l’art, c’est évident pour moi qu’elles ont une poésie bien à elles. Les PC aident déjà les artistes à créer de l’image ou du son, mais ce que produisent les moches boîtes beiges m’intéresse moins que les petits composants cachés à l’intérieur.
Steve Jobs avait, je crois, la même impression quand il a fait plaquer or les vis internes de NEXT.
Notre petite société doit se démarquer des ancêtres que sont IBM et Bull. On décide que notre ordinateur s’apellera Goupil. L’équipe approuve mon dessin de boîtiers en couleurs vives. Le premier Goupil reprend la teinte du parfum “Opium” d’Yves St Laurent (pure coïncidence si c’est proche de la couleur des renards).
C’est bien joué : on nous remarque au salon.
Utilisée pour ce qu’elle sait faire, l’informatique des années 80 est un bon outil. On peut créer, inventer…
François Bayle le montre avec ses concerts acousmatiques que je vais écouter à la Maison de la Radio.
François Bayle en concert
J’ai l’impression que le tas de fils, de boîtiers et de réglages nécessaires à François Bayle agissent comme un rempart, alors que la technique pourrait être légère aux yeux comme à l’esprit. Je me dis qu’il faut que je cherche la simplicité avant tout.
Les composants me séduisent par leur taille minuscule à l’inverse de leurs grandes possibilités. Ils sont trop magiques pour rester cachés. Maintenant que je les connais un peu, j’ai hâte de sortir ces petits trucs de leurs tristes boîtes.
les quatre mousquetaires présents dans tous mes Luchrones
Et l’esthétique, ça compte !
Nous recevons un prototype de carte-mère. Olivier Rodi la considère attentivement; Il soupire “Ce n’est pas bon signe le dessin est moche et il y a des reprises de soudure partout !”. Voici que mes études d’Art me servent en informatique ! Chez les programmeurs ce sera la même chose un programme peu commenté et présenté, des algorythmes est suspect. France inter a fait uné émission sur cette questino peu connue
en test : le petit carré de cuivre sera remplacé l’année suivante par une puce de quelques millimètres
Au désespoir de mes parents, après mon initiation industrielle, je reprends ma liberté. Devenu vaguement technicien, je suis resté artiste. Un artiste aggravé, si on peut dire, par ce qu’il a appris.
Car mes nouveaux amis m’ont inspiré plein d’idées à tester.
La doc dans une main et le fer à souder dans l’autre, je me lance dans la réalisation de mon premier Luchrone : Nemo.