de la boule à la lumière
comment les Luchrones sont sortis d’une boule
Il y a toujours eu des chiens dans ma famille.
Est-ce pour cela que ma tentative de robotique a finalement produit une boule de poils ? Et par quel miracle Gérard Monnier mon prof en Histoire de l’Art a-t-il accepté un si curieux mémoire de maîtrise ? Aussi inutile qu’incontrôlable - donc sans clavier ni télécommande - mon Anti-Machine poilue m’a suivie d’Aix en Provence à Paris.
1980 : la journaliste de Télérama Dominique Pellegrin visite l’atelier. “La Boule” dort dans son parc à bébés. J’ai réglé l’Anti-Machine sur les horaires d’un chat : elle dort la plupart du temps pour économiser ses piles. Cela a comme inconvénient qu’elle reste inerte quand j’ai de la visite.
Je préfère raconter que c’est la preuve absolue de son autonomie.
Le rayon jouets pour récupérer des mécanismes c’est pas cher. Mais pas solide non plus. Les engrenages en plastique s’usent, les axes se déboîtent, les batteries se déchargent.
L’aléatoire le plus réussi de ma boule ? C’est la succession de ses pannes.
Seule la partie électronique tient bon. Et les composants sont abordables. Des personnes bien informées me disent que, si l’électronique reste froide, c’est probablement inusable ; alors je calcule largement les composants de manière à ce qu’ils ne chauffent pas et soient robustes.
Dans les romans d’Asimov la mécanique des robots fonctionne bien, c’est ce que les machines “pensent” qui pose problème à Suzan Calvin. Mais dans mon monde, même avec des mécanismes simples, je n’arrive à rien.
une illustration de “I Robot” d’Isaac Asimov
Et si je laissais tomber la mécanique ?
J’ai le sentiment que les minuscules circuits peuvent faire de grandes choses mais je reste influencé par mes lectures en robotique. Pas si facile de se laisser guider par un futur encore à imaginer.
Mais c’est peut-être ça être artiste.
Avec la lumière, un monde continûment électrique s’ouvre pour moi - pas de moteurs qui vibrent ni d’engrenages qui bloquent.
L’Oreille de Ludwig Van : des centaines de lampes organisées en trois mouvement de musique silencieuse
Du calcul aux lampes, puis aux LEDs, l’énergie voyage. Elle change simplement d’apparence. Puces et leds sont de la même famille. Tout ce silicium est fait pour s’entendre.
Nemo : le premier des Luchrones
des ampoules aux LEDs
Jusqu’en 2011 la lumière dorée des lampes à incandescence brille dans mes Luchrones.
Pas d’effet “quantique” : du verre, un peu de métal et un filament qu’on chauffe jusqu’à ce qu’il brille.
Par rapport aux LEDs, c’est simple.
Deux défauts : une consommation importante et une durée de vie courte d’environ 1000 heures. Puisque ça chauffe, ça ne dure pas.
Je déniche des ampoules O.T.A.N. L’espérance de vie en continu de ces lampes militaires dépasse trois ans. Durée que je pense tripler par une tension réduite. Résultat : une lumière chaude et un fonctionnement de plus de 30 ans qu’on observe sur mes premiers Luchrones.
Au risque de vous donner mal à la tête, je me permets de recopier l’explication du fonctionnement des LEDs : “A l’interface de la jonction les électrons se recombinent avec les trous. C’est-à-dire que les électrons majoritaires venant du matériau dopé N perdent de l’énergie et tombent dans la bande de valence car elle n’est pas totalement remplie d’électrons. La bande de valence possède une concentration en trous autrement dit des « absences » d’électrons majoritaires venant du matériau dopé P.”
Il existe deux différences principales avec les lampes : le temps d’allumage est instantané (1/1000000 de seconde), et la lumière des LEDs est cristalline. Je quitte la lumière chaude de la bougie pour la lumière un peu glacée des étoiles.
Ce qui séduit mon côté astronome amateur.
Bien sûr, il y a un inconvénient : les LEDs émettent dans une direction précise. L’extrémité est bombée façon loupe. Et pour moi c’est un gros problème. Une lampe rayonne dans toutes les directions ; mais au contaire la LED est fabriquée pour n’éclairer que dans un angle plus ou moins étroit. C’est parfait pour un panneau comme pour un écran, mais c’est gênant pour un volume, une sculpture.
Ce qui m’oblige à aplatir une à une chaque LED en la frottant au papier de verre pour éliminer, à la main, la petite loupe.
Même les composants des Luchrones sont “re-faits main”.