écrire la lumière
Charlie devant la Gare
En 1985, mes premières compositions pour Charlie à Bourges sont épuisantes à écrire. C’est du langage machine “brut”. Du binaire.
0 - la lampe est éteinte, 1 - la lampe est allumée. A 100 images par seconde, il faut avoir les nerfs solides et une provision de café soluble à portée de main. Dans le sous-sol de ASA Logiciels on a tout ça. Les premiers résultats à partir de la maquette 3D me semblent valoir la peine.
Après quelques jours de bricolage parfois acrobatique à Bourges, je suis récompensé en plein air de mes souffrances binaires dans le sous-sol de ASA.
Quand tout est en place, je regarde Charlie depuis le café en face : ça me plaît, mais, peut-être… Je peux aller plus loin… ? Pour cela j’ai besoin d’un outil commode. Maintenant que tout fonctionne, des compositions plus élaborées sont possibles.
rouleau “Pianola” pour piano mécanique - vers 1900
Comment faire ? Rien de tel n’existe. La première version de mon “traitement de lumière” fait penser à un rouleau de piano mécanique qui se déroule sur l’écran. Ce n’est pas très souple. J’améliore peu à peu. Quand me vient une idée j’écris une version nouvelle. J’essaye un peu tout et même les erreurs m’apportent parfois du nouveau, de l’inattendu. Une sensation carrément délicieuse : devoir noter son erreur pour ne pas l’oublier.
la partition originale offerte à M. Falala, Maire de Reims
Ecrire du code ne coûte pas cher, c’est “le” détail à prendre en considération pour nous les artistes. Malheureusement au début je suis nul en programmation, alors qu’en électronique, à force, j’ai acquis quelques notions.
Et surtout, autour de Françis Gernet, mes amis programmeurs de ASA sont là pour me suggérer au bon moment les trois lignes de code qui sauvent la journée.
l’écran montre la même disposition que le papier
Ecrite en Pascal Delphi, la première version de mon “traitement de lumière” me sert à composer la partition d’inauguration de la Coquille de Reims en 1989. Depuis, je n’ai jamais cessé d’améliorer mon outil, surtout en me rapprochant de la musique qui est ma source d’inspiration.
écouter les musiciens
Erik Satie, Arvo Pärt et Philip Glass
Chez les contemporains, je suis plus intéressé par la musique à tendance minimaliste que par les recherches atonales, ou sérielles. A la musique concrète qui utilise comme moi l’ordinateur, je préfère paradoxalement un style plus classique, plus dépouillé.
Philip Glass s’inspire souvent d’Erik Satie
Dans le tourbillon de la musique contemporaine j’apprécie les musiques qui “ne font pas de bruit”. Les minimalistes comme Steve Reich, John Adams, Arvo Pärt et surtout Philip Glass me semblent plus modernes que les tentatives révolutionnaires ; dans la mesure où, depuis les années 90, l’avant-garde n’est plus obligatoire en art.
Ianis Xenakis “Metastasis” - 1954
Ces musiciens préfèrent les instruments classiques plutôt que les synthétiseurs. Plus que l’instrumentation, c’est la façon de construire, de composer ; c’est l’ambiance qu’ils créent qui me touche.
Philip Glass à Carnegie Hall - 2022
Il n’était pas très présent sur France Musique, mais à Aix les rares 33 tours de Philip Glass circulaient entre étudiants. La partition montre la construction rythmique à la fois puissante et légère qui est une constante chez lui.
Philip Glass étude N°6 - 2003
dans l’interprétation sensible de Olafsson
C’est Johan Joseph Fux, théoricien contemporain de Bach qui va parrainer mon traitement de lumière actuel.